Passer les oies sauvages

Il est trois heures quinze du matin et la sonnerie de mon réveil m’ordonne de me lever. Je me douche, déjeune, finis de me préparer et sors rejoindre mon ami chasseur Jean Sébastien qui m’a donné rendez-vous en bas de chez moi à quatre heures quinze. Nous retrouvons son ami Guillaume et arrivons dans deux grands champs déjà récoltés au bord du fleuve Saint-Laurent passé le village de Petit-Matane. Aujourd’hui, nous chassons la sauvagine : oies blanches, outardes et canards. Il nous faut faire vite, nous avons environ une heure pour installer les appelants, couper des herbes pour le camouflage des cages tombeaux, stationner les voitures à l’entrée du champ et armer les fusils en nous camouflant dans la cage.

Le soleil se lève lentement, il est cinq heures trente et le premier canard vient de passer au-dessus de nous. La chasse est une question de minute! Nous sommes à l’affût, au loin arrivent par centaine, des bataillons d’oiseaux, c’est alors que le travail des chasseurs prend tout son sens. Outre les oiseaux en plastiques servant de leurre et le fait d’être entièrement caché, la chasse à l’oiseau migrateur est avant tout une technique d’appel de l’animal. Je ne sais plus où donner de la tête, je suis submergé par les émotions, j’assiste à une véritable parade aérienne. Le soleil surgit de derrière les collines au loin, pour refléter dans les plumages des bêtes qui se découpent dans le ciel d’un bleu impeccable. Les animaux à bec font alors des vrilles et autres acrobaties pour chercher à trouver d’où proviennent les « Calls » des chasseurs. C’est alors qu’une descente d’oies est en approche vers nous, j’entends le décompte de Guillaume pour sortir des caches.

Je me prends au jeu, sortir de ma cache, pointer mon appareil photo et presser sur le déclencheur comme la détente d’un 12mm. C’est à ce moment précis que je réalise la beauté du geste et la dureté de la traque incessante pour tuer l’animal. L’oie se cabre, freine des ailes cherchant à faire un demi-tour et éviter le danger. Il est toutefois trop tard, les plumes volent à même les coups de fusil. Le chien part en courant sur les dépouilles gisant au sol pour s’empresser de les rapporter à son maître. Pendant plusieurs heures, nous assisterons à ce même défilé d’oiseaux migrateurs à la recherche des dernières graines laissés dans ces champs vides. Il est l’heure de faire les comptes et de ranger nos affaires, il est onze heures et nous partons chez Guillaume pour faire le dé-plumage des animaux. Tout est méticuleusement découpé, nettoyé, puis emballé.

Octobre 2014 © Photographe : Thibaut Ketterer

Look at the wild geese

A few weeks later, the sky was dark and the stars were twinkling on the horizon. It is 3.15 am and my alarm clock orders me to wake up. I take a shower; have a breakfast, get ready and go out to meet my friend Jean Sebastien, a hunter, who asked me to meet up in front of my place at 4.15 am. We gather with his friend Guillaume and arrive in two big fields already harvested along the Saint Lawrence River after the village of Petit-Matane. Today we are hunting waterfowl: snow geese, Canada geese and ducks. We must act quickly, we only have about an hour to install ducks decoys, cut herbs to camouflage the hunting graves, park the cars at the entrance of the field and load the rifle while hiding into the cage.

The sun is slowly awaking, it’s half past five in the morning and the first duck just flew above us. The hunt is a matter of minutes! We are on the lookout. By hundreds, squadrons of birds are merging from afar. It’s now that all the hunter’s efforts gain meaning. Put aside the plastic birds used as bait and the fact of being hidden, the migratory bird hunt is prior to everything a technique of animal calling. I don’t know where to look, I am overwhelmend with emotions, it’s truly an aerial parade. The sun is emerging from the far off hills and reflects in the plumage of the beasts that shreds a perfect blue sky. The birds are making tailspins and other acrobatics in order to find where the hunters calls are coming from. That’s when a bunch of wild geese are spinning down to us. I hear Guillaume’s countdown for the battle to come.

I go along with the game myself and I pop up of my hiding place and press the button of my camera as if it was the trigger of a 12millimeters gun. That’s the precise moment where I realize the beauty of gesture and the harshness of the relentless track to kill the beast. The wild goose rears up, slows down and tries to flea in a flap of wings to avoid danger. But it’s too late. The feathers are flying into pieces following the rhythm of the gunshots. The dog runs toward the remains lying down on the ground in a hurry to take them to his master. For several hours, we will attend this defile of wild birds looking for the last seeds remaining in these empty fields. It’s time to make accounts and to pack our things. It’s eleven in the morning and we are heading to Guillaume’s place for the defeathering of the birds. Everyting is meticulosly cut, cleaned and packed. Each one of us will leave with his share of the spoils, a smile on his face and already thinking of the next hunt. I decided to unveal trough this reportage one of the most beautiful days in my life.

This documentary is avaibale on vimeo (french)

https://vimeo.com/115613204

October 2014 © Photographe : Thibaut Ketterer