Interroger le territoire
2020-2023 ©JF Lamoureux
Au courant des dernières années, j’ai développé un corpus qui s’intitule Interroger le territoire et qui se décline en différentes séries complémentaires. Les photographies de ce corpus sont réalisées par une double exposition lors de la prise de vue. Deux prises de vue d’un même lieu, mais selon deux angles différents, se superposent dans chaque photographie. En travaillant sur la rencontre de deux images d’un même territoire, je cherche à transcender le rapport au paysage en proposant deux moments, deux points de vue d’un même espace-temps sur un territoire donné. Par les jeux de superposition qui viennent apporter un trouble dans la perception, je cherche à transposer l’angoisse et l’inquiétude que l’altération des territoires peuvent faire vivre, je cherche également à magnifier le paysage afin d’émouvoir et de sensibiliser l’autre à la fragilité du territoire.
Chacune des séries est le résultat d’exploration de forêts aux problématiques environnementales et paysagères spécifiques qui sont venues nourrir mes recherches photographiques. La bug, Planter des arbres et L’effroi proposent, chacune, une interprétation différente d’une relation entre l’humain et la nature.
Inspirée par la poésie de l’hiver dans les Cantons-de-l’Est, la série La bug est le résultat de l’exploration photographique d’un marécage et de sa forêt voisine. Dans cette série, je cherche à démontrer une tension entre la sérénité de la vue dégagée du marécage et l’angoisse de la composition dense de la forêt. Les contrastes entre les zones lumineuses et les enchevêtrements sombres viennent appuyer cette tension et ainsi présenter la complexe accessibilité au territoire.
Le sujet de la série Planter des arbres s’est imposé à moi lorsque j’ai découvert une coupe forestière en damier sur le territoire gaspésien. Dans cette série, j’ai travaillé la superposition, dans l’image, des zones déboisées et des zones laissées intactes. Ces tentatives symboliques de reboisements viennent donner un aspect sublime à un territoire dénaturé, mais viennent aussi souligner la désolation de la vue des arbres déchus en leur accolant leurs voisins restés debout. Le choix de présenter ces coupes fait bien sûr écho aux inquiétudes qu’on entretient envers l’industrie forestière.
La série L’Effroi est le résultat d’une recherche photographique plus subjective et plus abstraite. Par les contrastes plus soutenus et par l’usage du mouvement, il s’agit de traduire les sentiments d’angoisse et de colère de manière plus brute, plus directe. C’est sur le Mont-Royal, territoire “naturel” circonscrit par la métropole, que ces explorations photographiques ont eu lieu. Lorsqu’on cherche à s’y réfugier, on ne peut échapper aux sons, aux odeurs, à la présence de la ville environnante. Cette ville comme un rappel de l’empreinte destructrice de l’humain sur la nature.